Du 30 janvier au 1er février, les étudiants du Mirail sont appelés à voter pour élire leurs représentants aux conseils centraux de l’université. Ces conseils universitaires ne sont rien d’autre qu’une mascarade de la démocratie et sont des courroies de transmission des politiques d’austérité du gouvernement. Pourtant, il est indispensable d’y envoyer des élus au service des luttes pour prévenir des attentats à venir, et pour soutenir les mobilisations des étudiants et des universitaires. C’est l’objectif que s’est fixé Le Poing Levé, qui présente une liste lors de ces élections.

Conseils centraux, anti-démocratie universitaire, on vous explique en détail

Ces élections renouvelleront l’ensemble des membres élus du Conseil d’administration (CA) et de la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU), parmi les enseignants, les personnels et les étudiants. A l’issue de ces élections, le président de l’université sera réélu.

« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission » Georges Clemenceau

Ces conseils ont pour but de gouverner l’université. Le CFVU est particulièrement concerné par les décisions relatives aux cursus et à la vie étudiante, tandis que le conseil d’administration gère toutes les questions relatives à l’université (budget et recrutement entre autres).

Historiquement, ces conseils ont été le moyen utilisé par l’État français pour tenter de désamorcer la colère étudiante de mai 1968. Face à la révolte étudiante liée aux millions de grévistes de 1968, le gouvernement a fait le pari d’attacher des représentants les étudiants, le personnel et le corps professoral à ces conseils, afin que la colère puisse s’exprimer dans l’environnement accueillant d’un conseil universitaire loin des assemblées générales ou des manifestations. La cogestion universitaire est née.

En 2007, Valérie Pécresse, alors ministre de l’Enseignement supérieur de Sarkozy, fait le pari de « réparer les dégâts de 1968 » et de donner un premier coup brutal à l’université publique et (presque) gratuite. Cette réforme visait à « autonomiser » les universités, c’est-à-dire à se détacher économiquement de l’État et à pousser les universités à recourir au financement privé. Pour autant, sa réforme n’abolit pas la cogestion, preuve de son efficacité à apprivoiser les colères et à coopter les organisations étudiantes (à l’aide de commissions en tout genre, de bourses, de vice-présidences étudiantes, etc.). D’autre part, elle a réduit la représentativité des étudiants et des personnels et accru celle des enseignants (celle des postes les plus élevés de l’entreprise, pas les précaires de l’enseignement supérieur).

Par exemple, pour le CA du Mirail, 200 professeurs universitaires élisent 8 représentants, 500 professeurs du MDC en élisent également 8, alors que les quelque 800 BIATSS et 34 000 étudiants n’ont que 6 représentants BIATSS et 6 représentants étudiants. La liste des enseignants qui arrive en tête reçoit également une prime majoritaire qui lui permet de dominer largement le conseil. A cela, il faut ajouter la nomination par l’Etat, le CNRS et la région de trois « personnalités extérieures ». Enfin, pour compléter ce conseil, cinq autres « personnalités extérieures » (notamment des représentants d’entreprises) sont choisies dans le secret du conseil : ainsi 8 personnalités ont plus de poids que les étudiants ou le BIATSS.

Mais le problème ne s’arrête pas à la composition des conseils, car l’élargissement de la représentation étudiante ne changerait même pas le problème. En cas de vote qui ne convenait ni à la présidence ni au rectorat, on nous disait systématiquement que la décision était illégale et serait contestée en justice. Le président peut également refuser de soumettre certaines questions au vote ou à la discussion. Là où les suffrages ont été remportés au CFVU, où la proportion d’étudiants est plus importante, il y a eu une « séance de rattrapage » au CA où le rapport de force est totalement défavorable aux étudiants.

L’objectif des différentes contre-réformes à l’université a été de renforcer encore la gestion des universités en donnant tous les pouvoirs à la présidence qui se voit confier la mission d’appliquer les mesures d’austérité de l’État et de rendre « attractive » votre université pour les hommes d’affaires qui doivent y voir une opportunité d’investissement, et donc de profit.

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L’austérité, la meilleure arme pour discipliner les conseils et les élu.es

Entre 2008 et 2018, les effectifs étudiants ont augmenté de 20 %, alors que les budgets n’ont augmenté que de 10 %. Le budget par élève continue de baisser et une sélection sans nom est appliquée (sort encore plus brutal pour ParcourSup). Dans ce contexte, la fonction première des conseils centraux de l’université est l’administration de la pauvreté. Il faut choisir quel service devra être amputé de son financement pour en sauver un autre. Au Mirail par exemple, face à la crise des services de santé, submergés par les cas de détresse psychologique et d’isolement des jeunes, la présidence a ainsi soutenu le fait de prélever davantage sur la CVEC, les frais de scolarité déguisés payés par les étudiants non boursiers pour début de chaque année, réduisant ainsi le budget d’autres fonctions, notamment les caisses d’assistance sociale, qui en dépendent.

Mettre le doigt sur ces mécanismes de cogestion, c’est se retrouver pris dans une spirale d’engagements et de gestion de la misère étudiante et universitaire. C’est pourtant ainsi que se sont constituées les grandes organisations étudiantes. L’UNEF, en plus d’avoir été historiquement la pépinière de carrière du PS, a pleinement joué ce rôle, allant même jusqu’à soutenir les contre-réformes chaque fois qu’elles étaient portées par des gouvernements socialistes.

Proche de la disparition ou déjà disparue dans de nombreuses facultés, l’UNEF existe encore à l’échelle nationale du fait de son ancrage en premier lieu dans les établissements de cogestion universitaire. Au niveau national, c’est la FAGE (la liste AGEMP au Mirail), plus à droite et pro-macroniste, qui lui a donné la meilleure opportunité de jouer son rôle historique : accompagner les mesures, en atténuer les effets. Ce qui compte vraiment pour ces organisations, c’est d’obtenir des sièges dans le plus grand nombre de conseils possible, car ces élus votent ensuite pour les élus du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), dernier espace de cogestion.

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La présence dans ce conseil garantit des subventions étatiques très importantes qui permettent l’entretien de tous les étudiants bureaucratiques devenus experts en cogestion. Ainsi, l’AGEMP, qui ne se présente au Mirail que les jours d’élections, a obtenu un membre élu du CA en 2021. Il n’a siégé que les deux premiers mois puis a disparu, mais la FAGE n’a sûrement pas laissé s’évaporer la voix d’un grand électeur du CNESER ! Les élections aux conseils centraux sont un investissement financier pour certaines organisations, qui peut être très rentable.

Au Mirail, la présence d’organisations étudiantes combatives et d’un mouvement étudiant agité a en partie limité les tendances à la cogestion. Pourtant, l’Union des étudiants communistes (UEC) exerce pleinement ce rôle d’administration de la misère, notamment à travers la figure du vice-président étudiant. Un rôle noté dans le rapport du HCERES en 2020 (commission d’évaluation universitaire instaurée par les lois LRU et Fioraso dans une logique néolibérale) qui souligne la « participation du Recteur des Elèves à l’équipe politique ». Suivant : « La VPE est également présente à la Maison des Initiatives Étudiantes et est chargée de diriger la plupart des programmes étudiants. A ce titre, elle a une vraie place dans la gouvernance de l’établissement. Le vice-président étudiant « communiste » est effectivement répertorié comme membre de la gouvernance de l’université aux côtés du président qui multiplie pourtant les attaques contre la BIATSS et les étudiants depuis 2018.

Cette pleine intégration à la présidence a pour conséquence de ne chercher qu’à accompagner les déboires plutôt qu’à construire le rapport de force face aux mesures de sélection sociale : mieux administrer la CVEC par exemple, les frais d’inscription déguisés instaurés par la loi ORE, qui a installé ParcourSup . Là aussi, le rapport cité plus haut divise le bon et le mauvais : « La présence étudiante dans les mairies est marquée par une politisation importante d’au moins une partie de la communauté étudiante de l’UT2J. […] Par ailleurs, il ressort des entretiens que les étudiants élus représentent souvent une force d’opposition visant à provoquer le débat, sur des enjeux locaux ou nationaux, moins une force de proposition dans ces instances. Cela semble avoir plusieurs conséquences, dont la dernière difficulté à assurer la cogestion des élèves dans l’établissement. »

En 2021, aucune autre organisation étudiante que l’UEC n’avait voté pour élire (pour la troisième fois depuis 2016) ce vice-président étudiant, justement parce qu’il représente une force d’accompagnement. La constitution d’une liste unitaire avec l’UET (anciennement syndicat combatif, aujourd’hui presque disparu) à l’origine du programme UEC s’est faite en abandonnant toute délimitation, même minime, de la cogestion.

Élire des élu.es au service des luttes

La fonction essentielle des mairies est donc d’éloigner la grande masse des étudiants et des personnels de la prise de décision concernant leurs conditions d’études et de travail. C’est rompre avec l’opacité des mairies, tout dévoiler sur la place publique et en faire un point d’appui des luttes que nous y présentons.

En ce sens, depuis que nous y avons été élus, nous nous sommes battus pour dénoncer les conditions de travail des agents de nettoyage en sous-traitance, le manque de moyens des services de santé de l’université, ou encore les différentes formes de sélection des étudiants imposées par l’université comme les méthodes d’examen pendant le confinement et la classification raciste des étudiants réfugiés de la guerre d’Ukraine. Lors de la dernière CFVU du 26 janvier, nous avons également initié une motion approuvée à l’unanimité contre la mise en place de la plateforme Find Your Master.

Mais pour être victorieux, tous ces combats ne peuvent se limiter aux cadres des mairies, et doivent être portés à des mobilisations.

Surtout parce que dans le contexte de crise du système capitaliste qui touche surtout les étudiants, l’extrême droite la plus réactionnaire tente de s’incruster dans l’université avec des promesses démagogiques (quand pas avec des clubs). Au Mirail, l’UNI présente ainsi une liste pour ces élections : derrière ses airs consensuels, on la dénonce partout pour ce qu’elle est, une liste d’extrême droite raciste et asociale. Si ces organisations peuvent se développer, c’est grâce à la misère causée par les différents gouvernements, grâce aux discours xénophobes vomis sur toutes les télévisions, mais aussi parce que les organisations étudiantes, empêtrées dans la cogestion, n’ont pas mis leurs forces à bâtir une puissant mouvement étudiant, seul moyen d’obtenir de nouveaux droits pour les étudiants et tous les jeunes.

Face à la précarité étudiante aggravée par l’inflation, face aux attaques gouvernementales, et actuellement à la réforme des retraites, nous avons besoin d’élus au service des luttes, qui se mobilisent au quotidien pour construire un mouvement étudiant conscient que les moyens nécessaires à l’université et contre la précarité se gagneront par des luttes sociales, aux côtés des travailleurs, pas dans les conseils universitaires. Alors du 30 janvier au 1er février, je vote et fais voter Le Poing Levé !