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le 15/12/2022 à 18:17, Mis à jour le 15/12/2022 à 19:00

FIGAROVEX/LECESS – Dans son dernier essai « Le déclin et la chute du néolibéralisme » (De Boeck Supérieur), l’économiste David Cayla estime que la doctrine néolibérale monte en puissance. Face à ce constat, il propose plusieurs alternatives à ce modèle.

Et si la pensée néolibérale était passée de mode ? La débâcle du confinement européen de la pandémie de coronavirus en 2020 en a été une bien triste illustration. Pénuries de masques, de vaccins, urgences débordées… Le choc du Covid-19 a bouleversé les marchés financiers et il a fallu des renflouements massifs aux États-Unis pour répondre en partie aux pénuries. Plus récemment, la démission dramatique de Liz Truss a été un autre signal fort. Successeur de Boris Johnson, qui a rompu peu à peu avec la tradition économique thatchérienne des conservateurs stricts depuis les années 1980, le Premier ministre britannique a proposé un « mini-budget » qui prévoyait la réduction des dépenses publiques et des recettes de l’Etat. (réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, réduction de l’impôt sur les plus riches, réduction des impôts sur les cotisations foncières, réduction des cotisations sociales, etc.). Impopulaire, désapprouvé par les marchés financiers, ce programme de resserrement de l’État a déclenché une crise politique, obligeant même Liz Truss à démissionner après… 44 jours.

Le néolibéralisme, doctrine qui veut mettre l’État au service du bon fonctionnement des marchés, a-t-il atteint ses limites ? C’est l’hypothèse avancée par le professeur d’économie à l’université d’Angers, David Cayla, dans son dernier ouvrage Déclin et chute du néolibéralisme. Selon le chercheur, il faut remonter à la fin des années 2000 et à la crise des subprimes pour entendre le glas de cette longue pensée hégémonique.

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Selon Cayla, le néolibéralisme a émergé dans la seconde moitié du XXe siècle grâce à quatre crises majeures qui ont conduit à l’effondrement des mécanismes de régulation de l’économie : la fin des accords de Bretton Woods, le choc pétrolier, le retour de l’inflation, la désindustrialisation des pays développés et disparition de la croissance économique. Lorsque l’inflation s’est accélérée au début des années 1970, des économistes ont été appelés à l’aide. Contrairement aux penseurs libéraux, les néolibéraux ont réfléchi aux cadres juridiques et formels dans lesquels les marchés doivent fonctionner. Ils ont aussi réussi à changer radicalement la façon d’appréhender le marché. En d’autres termes, le néolibéralisme ne doit pas se limiter à faciliter les échanges commerciaux et les interactions marchandes, il doit également permettre la coordination des comportements entre individus aux compétences spécifiques. Ce faisant, l’État doit se mettre au service du fonctionnement optimal des mécanismes de marché. Expérimenté en Europe grâce à la restructuration de l’Allemagne d’après-guerre, l’état d’esprit dit néolibéral s’est répandu dans la seconde moitié du XXe siècle.

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Si ce modèle durable est incontournable dans le monde occidental, selon David Cayla il est de moins en moins courant. Un événement important s’impose comme un tournant : la crise des subprimes en 2008. Pour sauver le système financier après la faillite de plusieurs banques, les Banques Centrales ont été contraintes d’intervenir en masse pour sauver le système financier afin de remonter à nouveau les taux d’intérêt. sous contrôle. Une telle intervention s’apparente à une administration gouvernementale des finances, ce qui est à l’opposé des objectifs des néolibéraux.

Le néolibéralisme n’a pas connu de graves déficits structurels au cours de ses années d’expansion. Récemment, la crise du Covid-19 a remis en question ce modèle. Et l’intervention massive de l’État dans l’économie, même aux États-Unis, a montré les limites de ce modèle. Selon David Cayla, ces crises se reproduiront, notamment dans le domaine de l’énergie. Mais ce vide réflexif ne laisse aucune place à un nouveau modèle. La fin du projet, qui consiste à faire de l’État l’arbitre impartial d’un système de régulation autonome soumis à des marchés concurrentiels, ouvre la voie à un autre projet dans lequel, selon l’économiste, l’État devra même contrôler des pans entiers du économie. . Dans une société où les déficits ne peuvent qu’augmenter, l’Etat ne peut abdiquer ou se faire passer pour un simple arbitre, se défend l’auteur du populisme et du néolibéralisme. Se passer du marché, comme se passer de l’État, n’est pas possible. L’auteur convoque le juriste Alain Supiot et l’anthropologue David Graeber et met en garde contre l’arrivée possible d’un système économique néo-féodal, conséquence de l’affaiblissement de l’État de droit : les libertés individuelles ne seraient plus garanties et la loyauté envers un supérieur, qu’elles soient hiérarchiques ou officielles, seraient exigées de chacun. Cayla appelle à une réflexion globale sur notre système économique, pour répondre à la crise climatique et à la raréfaction de nos ressources naturelles, mais prévient : l’indispensable restauration du respect de la volonté démocratique ne doit pas conduire à une remise en cause des libertés individuelles.