La plateforme Doctolib a exclu 5 700 profils de naturopathes de sa plateforme en octobre dernier. Bains de glace froide et frottements des parties intimes de Louis Kuhne pour endormir les bébés fiévreux, aliments crus pour soigner les maladies les plus graves… les recommandations notamment d’Irène Grosjean, personnalité influente dans le monde de la naturopathie et formatrice de praticiens déjà interdits en août dernier par Doctolib, suscite des interrogations. Ainsi que la prise de position de certains naturopathes contre les vaccinations et les médicaments, notamment depuis la pandémie de Covid-19. Le naturopathe Miguel Bartheléry a même été condamné à deux ans de prison avec sursis pour sa pratique plus que douteuse en 2021. Afin de lutter contre ces dérives sectaires en matière de santé, une mission interministérielle de vigilance a été mise en place. Alors quelles sont les différentes pratiques naturopathiques ? Quels sont leurs avantages, mais aussi leurs risques ?
Efficacité : est-ce que la naturopathie fonctionne ? À quoi ça sert ?
Cette approche non conventionnelle, qui compte plus de 6 000 praticiens en France et dont le but est de nous maintenir en bonne santé, d’optimiser notre vitalité ou de développer nos capacités d’auto-guérison quand la maladie est là, est-elle inutile ou loufoque ? Ce n’est pas si facile à savoir, car aucune étude clinique n’a évalué la naturopathie dans son ensemble, entreprise quasi impossible tant les disciplines et pratiques qu’elle recouvre sont hétérogènes et se situent à des niveaux très différents.
Que soigne un naturopathe ? Quelles sont ses disciplines ?
Que soigne un naturopathe ? Quelles sont ses disciplines ?
Si l’alimentation, l’activité physique et l’équilibre mental sont bien des piliers essentiels de la santé, comme le soutient la doctrine naturopathique, les conseils et les soins qui leur sont associés ne sont pas tous étayés par des études. Citons, parmi tant d’autres, la micronutrition, les plantes sous toutes leurs formes, les approches psycho-corporelles (sophrologie, massage…), l’hydrothérapie, les soins énergétiques ou vibratoires (magnétisme, aimants, couleurs, reiki… ). Comme nous ne pouvons pas tous les rassembler, nous rendons compte des principales disciplines.
Quels sont les signes d’un naturopathe dangereux ? Quelles sont les limites sur lesquelles ils doivent vous alerter ?
Quels sont les signes d’un naturopathe dangereux ? Quelles sont les limites qui doivent vous mettre la puce à l’oreille ?
Le saviez-vous? Si elle puise ses racines dans l’Antiquité, c’est à la fin du XIXe siècle que naît la naturopathie moderne, et dans les années 1940 elle arrive en France par l’intermédiaire d’un biologiste, Pierre-Valentin Marchesseau.
L’iridologie pour déceler un problème de santé
Souvent proposé lors du premier rendez-vous dans le cadre du bilan dit de vitalité, cet examen de l’iris vise à détecter des problèmes de santé ou des dysfonctionnements d’organes, avant même l’apparition des symptômes.
« Il est certes possible pour un ophtalmologiste d’identifier certaines maladies métaboliques ou une surcharge médicamenteuse dans les yeux, mais prétendre que l’on peut détecter n’importe quelle pathologie présente ou future relève de la pensée magique », juge le professeur Bruno Falissard.
Avis confirmé par une étude scientifique publiée en 2020. Autre problème, et non des moindres : cette démarche s’apparente à un diagnostic, même si les naturopathes n’ont pas le droit d’en poser un, quelle que soit la méthode. , ni de proposer un quelconque traitement. Ceux qui le font s’exposent à des poursuites pour exercice illégal de la médecine.
Naturopathie et alimentation : quels bienfaits pour la santé ?
Qu’un naturopathe incite à manger plus de fruits, de légumes frais et secs, et moins de viande, de produits sucrés, salés ou ultra-transformés est une bonne chose car cela répond aux recommandations de la santé publique. « Et encore mieux s’il parvient à inciter les gens à poursuivre leurs efforts dans la durée, ce qui est parfois très difficile lorsque des comportements alimentaires à risque sont en place depuis des années », précise le professeur Grégory Ninot.
« L’incitation à avoir une alimentation bio, et uniquement bio, est plus discutable, les preuves sont limitées dans ce domaine », estime le professeur Falissard. Il en va de même pour les régimes spéciaux, souvent préconisés en naturopathie, comme les cures détox, les purges ou le crudité, pour lesquels il n’existe aucune preuve d’un bénéfice certain pour la santé, et dont certains, comme les mono régimes, peuvent ils même être nocifs.
Quant au jeûne, intermittent ou de longue durée, il peut parfois améliorer certains facteurs biologiques, comme les triglycérides et la glycémie, et encore il ne convient pas à tout le monde, notamment aux diabétiques pour un jeûne de longue durée. Des études sont en cours pour l’évaluer dans la prévention du cancer : « Mais quand le cancer est là, et que des traitements sont en cours, qui prétendent que le jeûne aide à mieux les supporter, comme le font certains naturopathes, c’est faux et même dangereux », prévient-il. -Professeur Ninot.
Le sport : attention en cas de diabète, cancer ou autre maladie
Au cœur des approches prônées par la naturopathie, son efficacité à maintenir une bonne santé et à la retrouver après avoir été malade a été largement démontrée. « C’est donc une bonne chose si le praticien incite les gens à y entrer ou à y entrer à nouveau », approuve le professeur Falissard.
L’activité physique doit cependant être adaptée aux besoins spécifiques de certaines personnes, comme celles atteintes de diabète de type 2, de maladies cardiaques ou respiratoires, ou qui sont traitées pour un cancer : « Ensuite, elles doivent bénéficier de programmes spécifiques et personnalisés, car elles seront plus bénéfiques et moins risquées que d’autres », précise le professeur Ninot.
Phytothérapie et aromathérapie : attention aux interactions
La phytothérapie n’est pas, en soi, une mauvaise méthode et de nombreuses plantes qui, même si elles n’ont pas fait l’objet d’études cliniques bien menées, sont utiles pour améliorer certains troubles, comme les troubles du sommeil. , digestion, nervosité, anxiété. ..
Attention toutefois en cas de traitement, en raison du risque d’interaction. « Les plantes peuvent modifier l’efficacité des médicaments et/ou provoquer des effets secondaires », prévient le Pr Ninot qui conseille de les éviter lorsqu’on est sous chimiothérapie ou lorsqu’on prend un traitement au long cours qui nous est vital, par exemple en cas de maladie chronique et maladies graves.
Et l’aromathérapie ? « Si ça peut aider certaines personnes et dans certains cas, je n’y vois pas de problème, tant que le naturopathe mentionne les risques, dont les allergies, et ne les recommande pas dans les situations où elles sont contre-indiquées (N.D.L.R. : femmes enceintes ou celles qui allaitent, enfants de moins de 6 ans…). »
Micronutrition : oui, mais seulement en cas de carence
La supplémentation en vitamines, minéraux, oligo-éléments et autres catégories de micronutriments fait partie de l’arsenal classique de la naturopathie. « Sauf que cela n’a de sens que si une carence a été établie par analyse biologique », souligne le professeur Ninot.
Le naturopathe doit donc, s’il soupçonne un problème, par exemple si la personne est anormalement pâle ou si sa peau est très sèche, lui proposer de faire une prise de sang, qui ne sera remboursée que si elle est prescrite par un médecin. « Mais le font-ils systématiquement ? Rien n’est moins sûr… J’ai vu des patients en cancérologie qui avaient dépensé 500 € en compléments alimentaires absolument inutiles. De plus, ajoute le Pr Falissard, « tant que l’alimentation est variée et équilibrée, il n’y a aucune raison de se supplémenter en micronutriments. »
Au regard du bilan des micronutriments et de la détection des métaux lourds proposés par certains naturopathes, l’« Oligoscan », sa fiabilité est plus qu’incertaine. Sur son site, le fabricant assure en effet que la technique a été validée scientifiquement mais ne cite pas les études qui le confirment, et ne répond pas quand nous le leur avons demandé.
Réflexologie plantaire, auriculothérapie
Scientifiquement, le niveau de preuve est très faible. « Le principe selon lequel il y a une cartographie du corps dans l’oreille ou sur le pied est aussi très spéculatif, précise le professeur Falissard. Cependant, il n’est pas absurde de penser que ce type de technique, comme tout traitement utilisant le toucher, peut aider à certains troubles comme le stress chronique ou les problèmes musculo-squelettiques. À moins qu’ils ne remplacent un traitement, cela vaut la peine d’essayer s’ils font du bien. »
Les soins énergétiques : pas de risque à essayer
Reiki, radiesthésie, techniques vibratoires utilisant des pierres, des couleurs, un bol tibétain… « On entre ici dans des pratiques ésotériques, là où la science ne peut aller faute de reproductibilité de cas en cas et d’explication rationnelle », juge le professeur Ninot. Il n’est cependant pas rare que certaines personnes, parfois très cartésiennes, en ressentent un réel bénéfice. « Tant qu’il n’y a pas de tentative de contrôle psychologique ou de détournement de traitements, donc il n’y a pas de grand risque quand on essaie. »
Hydrothérapie du côlon : aucune preuve d’efficacité
Il est basé sur l’idée que le nettoyage du côlon avec de l’eau purifie le corps et élimine les toxines accumulées. « Pourtant, cette hypothèse a été largement rejetée par la communauté scientifique », rapporte le professeur Ninot. Il n’existe aucune preuve clinique qu’il ait les effets protecteurs ou détoxifiants qu’on lui attribue, ni qu’il tienne ses promesses concernant l’amélioration de nombreux symptômes comme la fatigue, les troubles du transit, les gaz, les infections urinaires, la nervosité…
Formation de naturopathie : ce qu’il faut savoir
A lire : 100 médecines alternatives validées par la science, Pr Grégory Ninot, éd. Belin, 21,90 €.