Dans le Cotentin, comme ailleurs en France, les marques de vêtements, indépendantes ou non, ont pris de plein fouet la pandémie et peinent à trouver leur clientèle.

A midi, ce mardi 25 octobre, les rues piétonnes de Cherbourg ne comptent que quelques promeneurs. Mêmes constats, en semaine. Les touristes qui s’arrêtent passent devant les vitrines, mais les boutiques restent souvent vides.

« Sauf le samedi, en semaine, le centre-ville est assez maussade », constate le commerçant. De nombreuses enseignes cherbourgeoises sont à la peine. « Il faut dire que l’ambiance est anxiogène », soupire un autre. Tout le secteur de l’habillement souffre.

A Cherbourg, c’est « dû aux travaux », diront certains. Mais à l’échelle nationale, le secteur ne va pas mieux. Les grandes marques ont déjà baissé le rideau. Camaïeu était le dernier. Mais André, Celio, La Halle affichent aussi une situation financière délicate. Kookaï a également récemment fermé ses portes à Cherbourg.

Des remboursements compliqués

Et les indépendants souffrent des mêmes difficultés. « Tout est connecté. Ça fait un an que c’était compliqué et deux ans que j’ai ouvert », explique Lydie Viel, de Passion Shoe. Il y a d’abord eu la fermeture due au Covid, pour cause de commerce non essentiel. Bien sûr, ils ont répondu par des subventions et des prêts garantis par l’État (PGE). Mais maintenant, il faut s’en occuper. « Les cotisations Urssaf, par exemple, qui ont été gelées et l’indemnisation PGE qui démarre », note le président du tribunal de commerce de Cherbourg, Jean-Noël Degasne.

Selon les données de la Banque de France, 700 000 entreprises ont contracté un PGE en France en 2020, pour un montant de 143 milliards d’euros. Ainsi, ils ont pu emprunter jusqu’à 25% de leur chiffre d’affaires avec la possibilité de différer le remboursement de 5 ans. Charge au moment de l’indemnisation. Surtout quand l’entreprise ne décolle pas. « Depuis la fermeture, il y a eu des hauts, mais beaucoup de bas », résume le commerçant. En décembre 2021, le commerce n’a pas repris. « C’est encore pire parce que les prix ont augmenté, notamment l’essence », reconnaît Magali Vigot, gérante du magasin Esprit.

Les acheteurs se font de plus en plus rares, et la baisse du pouvoir d’achat accentue ce phénomène.

« Évidemment, quand le porte-monnaie s’allège, acheter des vêtements n’est pas une priorité. »

Le moral des Français est mitigé. Selon l’INSEE, l’indice de confiance des ménages en France est historiquement bas en septembre.

Les factures augmentent

Ce n’est pas le moment d’acheter. « Fini le shopping compulsif, aujourd’hui il faut en avoir besoin », note Sarah Steunou, gérante du magasin Symbiose à Cherbourg. « Aujourd’hui, tout le monde regarde le prix ! « , conviennent les commerçants.

« L’inflation affaiblit le pouvoir d’achat », prévient la National Apparel Federation. Ceci est une sonnette d’alarme. « Les prix de l’énergie augmentent. Ces hausses surviennent à un moment déjà critique pour les commerçants, dans un contexte où les frais ne cessent d’augmenter. »

« Pour les commerçants qui sont là depuis longtemps, les propriétaires des murs, ils peuvent tenir, mais pour d’autres ce sera très compliqué. »

Elle demande, comme d’autres fédérations professionnelles représentées au sein du Conseil français du commerce, une aide concrète du gouvernement. « Le seuil de 3 % de ratio des charges énergétiques sur le chiffre d’affaires en 2021 exclut les entreprises commerciales, sous réserve qu’il y ait des risques de dégradation du compte de résultat et de réduction de la trésorerie disponible ! »

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Nouveaux modes de consommation

Enfin, les détaillants de vêtements doivent faire face à la transformation des modes de consommation. « L’échange et la seconde main sont plus prisés dans le secteur », résume Jean-Noël Degasne. Une tendance qui a également été remarquée par les commerçants de Cherbourg.

« Depuis la captivité, le mode de consommation a clairement changé. Internet et les sites d’occasion ont explosé. »

« C’est clair que c’est à nous aussi de nous adapter. J’ai mon propre site Web pour mes clients locaux, mais j’ai également lancé un site d’occasion pour vendre des collections passées. Et cela représente maintenant la majorité de ma clientèle. Grâce à ça, je ne sombre pas », sourit tristement le gérant de Passion Shoe. Selon l’observatoire Natixis Payments, les ventes d’occasion bondiraient de 140% entre 2019 et 2021.

Interview de Jean-Noël Degasne

Le Président du Tribunal de Commerce de Cherbourg répond à nos questions.

Actualité : Les défaillances d’entreprises bondissent de 69% par rapport à 2021, selon plusieurs journaux en France. Et le Cotentin ?

Jean-Noël Degasne : Si on compare avec l’année dernière, dans le Cotentin c’est +127 %. Mais la comparaison n’est pas appropriée. Depuis deux ans, le nombre de faillites d’entreprises est quasi nul. Les entreprises ont reçu des aides de l’État. Il faut regarder plus de six ans pour avoir la vraie idée. En 2022, de janvier à fin août, nous en sommes à 34 échecs. En 2021, sur la même période, il y en avait 15, 2020 : 32, 2019 : 58, 2018 : 74 et 2017 : 62. Alors comparons, par rapport à avant Covid, 2018, par exemple, et la faillite d’entreprise est réduite d’environ 54 % ! Localement, les entreprises résistent bien pour l’instant.

JN. D. : Malheureusement, cela me semble plus sombre. Des PGE à rembourser, des dettes sociales (parfois gelées pendant deux ans) qui réapparaissent ; Explosion du coût de l’énergie, baisse du pouvoir d’achat… Tout cela joue dans l’équilibre de nombreuses entreprises. Les restaurants, les boulangeries et toutes les entreprises qui ont besoin de fours, de réfrigérateurs… vont devoir faire face à une augmentation importante de leurs factures. Il y a des risques et je suis sûr que les conséquences se feront sentir, les entreprises peuvent trébucher.

C’est un sujet de grande difficulté, notamment dans le secteur de l’habillement…

JN. D. : Nous n’avons pas de record actuellement dans l’habillement. Il est certain que la population coupe davantage sur l’équipement personnel, comme les vêtements, les chaussures… quand elle fait attention à son budget. Mais, pour l’instant, il n’y a pas de cas concrets de difficulté, le dossier de Camaïeu n’a apparemment pas été présenté au tribunal de Cherbourg. En revanche, nous avons constaté plusieurs fermetures de fleuristes, sinon les dossiers font référence à des entreprises indépendantes. Parfois, il est lancé pendant la captivité, qui finit par échouer et ne pas être rentable. Les entrepreneurs ne gagnent tout simplement pas leur vie.

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