
En cette météo mouvementée jeudi, des curieux venus du Pas-de-Calais, de Montbéliard ou encore d’Autriche se relaient pour conduire des catamarans, classés au patrimoine maritime, et écouter les récits de ces fouilleurs de mer.
Cheveux blonds du soleil, derrière ses lunettes de soleil bien ajustées, Alain Petit-Etienne n’a pas fini de naviguer. La Région de Picardie, construite en 1983, était le bébé. Un bébé bientôt quadragénaire, dont Alain était le seul capitaine aux quatre coins du monde avant d’accoster à Port-Camargue en 2001.
De Beauvais à la Nouvelle-Orléans

« Quand j’étais enfant, la mer c’était le temps des vacances. » Dans son pays natal, l’Oise, le jeune Alain avait déjà ses idées. Installé à Saint-Malo, son grand-père bricoleur lui a offert un petit bateau fabriqué de ses mains pour ses 8 ans. « Tout était en bois, jusqu’aux dentelures où l’on accrochait les extrémités », se souvient aujourd’hui le sexagénaire. Quelques années plus tard, le jeune adolescent tente sa première traversée. Recrutant quelques amis dans un équipage de fortune, il s’embarqua plusieurs fois pour la Corse, au départ de Toulon. « J’ai envoyé une carte postale à mes parents quand je suis arrivé à destination. Comme je n’ai jamais eu de problème, ils m’ont laissé faire. Les parents de mes amis, par contre, n’arrêtaient pas de me demander où nous étions. Et ils ont répondu , »On ne sait pas, on attend la carte postale ! » ».
A 18 ans, Alain aspirait à être skipper. Mais une autre sirène, la sirène républicaine, viendrait à sa rencontre. Afin d’échapper au service militaire, les marins ont décidé d’embrasser la voie de la philosophie. « Un ami m’a dit qu’en faisant des études majeures, on peut être libéré, alors je me suis mis en tête de passer l’agrégation de philo. J’ai étudié à la Sorbonne, mais je n’avais qu’une voile d’avant ». Fraîchement installé sur le banc universitaire, le jeune Alain crée le club de voile de la Sorbonne. Quelques années plus tard, il intègre l’Université de Nanterre, où il fonde un autre club de voile. « On allait naviguer en Grèce, alors j’ai recruté des gens et puis on est partis. J’ai une caméra Super 8 qui me sert à enregistrer notre traversée, à faire la pub du club ».
Le californien et la Picardie

C’est lors de la remise des prix de la course entre La Rochelle et la Nouvelle-Orléans qu’Alain rencontre quelqu’un qui va changer sa vie. Gino Morelli, architecte californien de 22 ans, partage avec lui après avoir bu plusieurs fois son rêve de construire un maxi-catamaran de course en carbone. Avec enthousiasme, Alain voit six mois plus tard un débarquement américain à Beauvais qui l’aidera à vendre ses navires en acier et à construire ces navires en carbone à une époque où personne n’a le courage de travailler sur les matériaux de navigation. . Avec l’aide du frère d’Alain, ébéniste, le projet se concrétise un an plus tard avec un bateau de 19 mètres sur 11, pesant 6 tonnes contre 35 pour l’acier équivalent. Une petite révolution dans le monde maritime a convaincu le Conseil Régional de Picardie de parrainer le skipper en donnant son nom au navire. Capable d’atteindre des vitesses allant jusqu’à 32 nœuds ou 60 km/h, ce navire bat le record de traversée de la Manche en 2 heures 30. Il détiendra également le record de milles lancés, avec une vitesse moyenne de 26 nœuds.
Les années passent, et avec elles, la première course transatlantique. Alain a réussi à se tailler un nom dans le monde du shipping entre Eric Tabarly et Michel Malinowski. Premier aux 1000 miles de Deauville en 1984 et 1985, Ste Croix-Fort-de-France en 1985, Route de la Découverte en 1984 et deuxième sur la Route de l’Europe en 1987, Alain a connu le succès sur la Région Picardie, jusqu’à sa retraite sportive. en 1989.
Il a ensuite quitté la métropole pour la Martinique, où il a vécu 12 ans pour les touristes, toujours sur le bateau de sa vie. En 2001, alors qu’il envisage de retourner sur le continent, c’est Jean-Marie Vidal, double vainqueur de la Solitaire du Figaro et directeur de Port-Camargue, qui fait appel à lui en lui proposant de rester au Grau-du-Roi.
Après une vie consacrée à la voile, Alain cherche aujourd’hui à transmettre ce goût du grand large à de nouveaux publics. Depuis vingt ans, d’avril à septembre, le capitaine organise ce voyage en mer. En préparant les coups de ces marins pour la journée, Nathalie a avoué : « Je ne sais pas quand elle va s’arrêter. Elle adore ça, elle en a besoin. Ce contact avec les gens. Et il faut croire que les gens adorent ça ».