Oyé, Oyé, grands-parents de jeunesse hyperactive : c’est l’histoire de David Devos, exclu de quatre crèches pour turbulences, en route pour révolutionner le traitement de la maladie de Parkinson. Loin de s’en vanter, il nous accueille dans son bureau fraîchement repeint du CHU de Lille. Il a fallu pousser pour avoir l’entretien. C’est juste qu’une fois qu’il a découvert sa voie – « la médecine, une évidence », dit-il -, il a eu l’énergie et la persévérance indispensables à tout chercheur. Son baccalauréat en poche, « l’étudiant qui aime mais qui n’est pas d’accord » met tout son enthousiasme pour intégrer la faculté de médecine : 3 000 candidats, 300 admis, occupant la 33e place. Exemption des parents, la mère de la couturière rêve de médecine, « elle m’a donné le virus », le père de l’éclusier : « L’ascenseur social a marché pour moi ! » Ch’ti et fier de l’être, bien décidé à ne jamais quitter le Nord, évoque ses années étudiantes, joyeuses, si différentes de l’ambiance actuelle « aseptisée et source de souffrance, pauvres étudiants ». Le voilà furieux contre « la tendance à tout gouverner » : pas facile de ramener le bouillonnant David Devos sur notre sujet : et Parkinson, comment en êtes-vous arrivé là ?

Le cerveau, « son amour »

Lors d’un stage, il découvre lors d’une opération de neurochirurgie « cette coquille gris perle qui respire au rythme du cœur. Le cerveau est devenu mon amour (outre ma femme et mes enfants, ajoute-t-il avec méchanceté). La neurologie. Tout semble simple et logique, à l’entendre : d’abord le stage, la décision de revenir à Lille après un passage dans un hôpital new-yorkais où les chercheurs bénéficient de conditions de travail extraordinaires. Enfin sa thèse sur la stimulation cérébrale profonde, technique née au début des années 2000. Reste à gérer la frustration du manque de moyens de recherche en France. Pas d’équipe, pas de laboratoire… « Ainsi, avec le Pré Caroline Moreau, ma femme, elle aussi neurologue, nous passions nos soirées et nos week-ends à chercher des fonds auprès des associations de patients et des pouvoirs publics pour mener les recherches les nôtres. » Vous ne pouvez pas arrêter l’hyperactivité. En 2010, un poste dans un laboratoire de pharmacologie médicale lui donne enfin accès à une paillasse. Ici, il est neuropharmacologue.

Une perfusion directe, comme dans le diabète

Revenons en arrière : la maladie de Parkinson est due à une perte progressive et irréversible des neurones cérébraux qui produisent la dopamine, ce neurotransmetteur nécessaire au contrôle des mouvements. David Devos va droit au but : que se passerait-il si on injectait de la dopamine directement dans la zone du cerveau où elle fait défaut ? Les premiers tests sur des souris ne sont pas concluants : « La dopamine s’oxyde rapidement au contact de l’air et perd de son pouvoir. Il nous faut des produits sans oxygène, un défi. » Pour relever ce défi, il fonde en 2018 la start-up InBrain Pharma. « Trouver le bon dosage nous a compliqué la tâche, mais c’était la bonne manière : quel bonheur de voir une souris atteinte de la maladie de Parkinson marcher à nouveau ! encourager le chercheur. Prochaine étape : optez pour l’homme. En 2020, alors que le Covid mobilise l’attention du monde entier, il s’affaire à prouver la sécurité de sa technique. « Nous l’avons montré, malheureusement, avec peu d’efficacité thérapeutique. » Les tests recommencent, cette fois avec des doses beaucoup plus élevées de dopamine, administrées en continu.

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Victoire, les troubles s’estompent!

Pour cela, cinq volontaires âgés de 54 à 68 ans se font implanter une pompe dans l’abdomen près du nombril qui délivre la précieuse dopamine au cerveau par un fin tube sous la peau. Et cette fois ça marche ! Avec un sourire qui lui mange le visage, il évoque « le souffle du bonheur » en constatant que les mouvements et blocages involontaires ont disparu de 80% chez les patients. Les problèmes de comportement ont également diminué. La pompe, remplie deux à quatre fois par mois, offre au patient confort et autonomie. Fin 2022, un article dans Lancet Neurology consacrera ces premiers résultats. « Nous préparons pour 2024 une étude internationale auprès de 100 patients pour confirmer la supériorité de notre technique sur le traitement par voie orale, il nous reste un an pour la financer », explique l’insatiable chercheur qui vise une AMM en -2028. Déjà, un nouveau projet a été lancé autour de la maladie de Charcot avec une nouvelle start-up InVenis Biotherapies, « il faut absolument trouver des traitements ». Hyperactivité, gardez espoir !

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La maladie de Parkinson, c’est:

180 000 personnes en France, âge moyen au diagnostic : 58 ans.

D’origine inconnue, les symptômes et l’évolution varient d’une personne à l’autre : lenteur, raideur, fatigue, difficulté à se concentrer ou à parler, tremblements au repos.

Aujourd’hui, les médicaments compensent la carence en dopamine avec une efficacité qui diminue avec le temps. Une pompe externe ou une neurochirurgie pour la stimulation cérébrale peuvent être proposées. Des soins psychologiques, de la kinésithérapie, de l’orthophonie et de l’ergothérapie complètent le traitement.

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