Polyester, nylon, acrylique, élasthanne… Un nouveau rapport dénonce la dépendance de l’industrie de la mode aux énergies fossiles. Et ça ne marchera pas.
Le rapport « Synthetics Anonymous 2.0 » dénonce le manque de progrès de l’industrie européenne de la mode vis-à-vis de sa dépendance aux fibres synthétiques. Il montre également l’écart entre les déclarations de durabilité des marques et leurs progrès réels sur la question des matériaux.
Les marques toujours accros aux combustibles fossiles
Alors que la loi sur le climat et la résilience votée en août 2021 prévoit la mise en place d’un « éco-score » pour mesurer l’impact environnemental des vêtements, les ONG Changing Markets Foundation et No Plastic in my Sea ont passé au crible les pratiques de 55 entreprises de mode. Reportage? Malgré une pléthore de déclarations « vertes », l’industrie de la mode ne montre aucun signe de réduction de sa dépendance aux fibres synthétiques à base de combustibles fossiles. En la matière? Son modèle économique basé sur la fast fashion. En 15 ans, la consommation mondiale de vêtements a augmenté de 60% alors que leur durée de vie a été divisée par deux. Preuve selon les associations qu’il existe une corrélation entre l’augmentation du polyester et l’explosion de la production de vêtements de mauvaise qualité et bon marché, ce qui provoque une crise des déchets qui s’aggrave. Estimée à 62 millions de tonnes en 2015, la production mondiale de l’industrie de la mode devrait atteindre 102 millions de tonnes en 2030. les consommateurs sont conscients que la fast fashion est en fait de la « mode fossile ». »
La fausse bonne idée : recycler des bouteilles en PET en tissu polyester
Alors que les marques affichent des engagements pour augmenter les matériaux « durables », elles se limitent souvent en pratique à utiliser des tissus synthétiques recyclés à partir de bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate). Fausse bonne solution selon les associations. Ce serait oublier que le PET est fabriqué à partir d’une ressource non renouvelable : le pétrole. De plus, le PET n’est pas réutilisable à l’infini : à chaque cycle de transformation la fibre perd sa résistance, c’est ce qu’on appelle le « downcycling ». Il est donc impératif de le mélanger avec de la fibre vierge.
Enfin, les PET libèrent des microparticules de plastique non biodégradables dans les eaux usées à chaque lavage. Des émissions qui, selon l’ADEME, s’élèvent à 240 000 tonnes de microplastiques chaque année.
De fausses bonnes solutions qui doivent perdurer. Selon le rapport, 45 des 55 marques ont fixé des objectifs pour augmenter leur contenu synthétique recyclé. Un signe que le secteur ne reconnaît toujours pas la gravité du problème. Muriel Papin, déléguée générale de No Plastic in My Sea, appelle donc les marques à réduire le volume global de matières synthétiques utilisées dans leurs vêtements : « Alors qu’en France, le cahier des charges pour la filière textile REP vient d’être publié avec des financements importants en jeu. , nous appelons les acteurs à privilégier l’éco-conception et la sélection de matériaux réellement durables, c’est-à-dire non synthétiques. »
Un fossé entre les intentions et les actes
Le rapport révèle également que les marques affichent des niveaux de soutien significatifs pour bon nombre des politiques proposées dans la stratégie textile de l’UE. En effet, 81% des distributeurs sont favorables à la responsabilité élargie des producteurs (REP), 87% aux enjeux liés à l’écoconception, et 94% à une législation visant à réduire le risque de fausses allégations environnementales. Un décalage entre les intentions et les actes qui selon Urska Trunk « met en lumière une déconnexion alarmante entre les déclarations et les objectifs de durabilité de l’industrie de la mode et l’absence de réels progrès mesurables sur le terrain ». Un écart qui devrait inciter « les décideurs politiques, les investisseurs et les détaillants à promouvoir et adopter une législation susceptible de réglementer et de réduire la dépendance de la mode aux fibres synthétiques », conclut le rapport.