Traduit par
Marguerite Capelle
Paris sera toujours une ville de contrastes en matière de mode. Comme ce jeudi, quand la marque de luxe Louis Vuitton mêlait le romantisme français au hip-hop, tandis que le Californien Rick Owens s’inspirait de l’Egypte ancienne.
Louis Vuitton : Champs de rêves
Une vingtaine de porte-drapeaux Louis Vuitton à la toscane ont ouvert le dernier défilé masculin de la marque, aux côtés du groupe A&M Marching 100 de Floride, sur le gigantesque « terrain de jeu amplifié » installé dans la Cour Carrée du Louvre. .
De quoi faire de superbes photos et des posts à n’en plus finir sur les réseaux sociaux, pour une ligne qui est désormais autant un phénomène Instagram qu’un créateur de mode. Ce qui n’est pas du tout négatif, même si cela donne lieu à une véritable compétition entre les looks qui se disputent l’attention.
Force est également de constater que l’autorité de l’ancien directeur créatif de cette collection, le regretté Virgil Abloh, reste prééminente chez LV Homme. Le PDG de la maison, Michael Burke, a déclaré que l’ADN du créateur était toujours présent dans ses échanges iPhone et WhatsApp avec son équipe… avec une certaine prévoyance !
Le PDG de LVMH, Bernard Arnault – le patron de Vuitton – aime toujours les défilés impressionnants, et celui-ci était assez monumental, avec une passerelle jaune sinueuse de la taille d’une rampe de stationnement, qui s’élevait jusqu’aux fenêtres du troisième étage. Louvre, avant de descendre dans l’aile ouest.
Une fois le groupe sorti, la bande originale était un mélange de hip-hop et de free jazz de la légende Sun Ra, et à en juger par la place de numéro un, les fans de hip-hop sont la principale clientèle de cette collection. Même si les vêtements étaient entourés d’une délicieuse touche de romantisme français, avec un quatuor final brillant de robes et de manteaux aux imprimés floraux des champs et de broderies – chardons et prairies tapissées de fleurs.
Cela dit, la plupart des pantalons avaient l’air très beaux et monogrammés; ainsi que les vestes de travail en cuir surdimensionnées, avec des manches en filet fortement brodées d’emblèmes LV.
vestes de motard en cuir multi-poches portées avec des shorts déchirés; et une idée géniale, un short à logo rouille coupé sous le genou, porté sur des chaussures de construction. Le tout complété par un blazer moutarde et une chemise en soie, et surmonté d’un chapeau origami. Superbes vestes et salopettes de chantier pour le travail en entrepôt, avec une touche luxueuse sur chaque pièce ; denim arc-en-ciel à monogramme infini; ou des monogrammes de fleurs au crochet.
Preuve de la puissance de Vuitton, au premier rang siégeaient Justin Timberlake, Jessica Biel, J Balvin, Omar Sy, Naomi Campbell, Edgar Ramirez, Samuel Umtiti, Joel Edgerton, Russell Westbrook, Victor Cruz, Headie One, Dan Carter, Shai Alexander et Lucas Jagger.
Ajoutez à cela une dose élégante de tailleur – manteaux et vestes en gabardine de laine, violet ou bleu pervenche – pour des réductions de prix. Rien n’est « trop » assez pour Louis Vuitton ces jours-ci – jusqu’aux pochettes pour hommes qui imitent les emballages de sandwichs des supermarchés.
De nombreux tissus de la collection proviennent de surplus, « créés pour déprogrammer [sic] nos esprits des images d’obsolescence qui entraînent la surcharge, la surproduction et le gaspillage », selon la note du spectacle.
L’influence de Virgil Abloh se fait sentir jusque sous la forme d’un carnet de collection qui explique en détail sa bande-son, ses influences et son idéologie. Ce qui n’était pas trop mal, car ce défilé de mode était aussi bruyant que percutant. Cela montre à quel point il continue de laisser sa marque sur LV.
Rick Owens : Ramsès ‘n’ Roll
Rick Owens cherche de plus en plus loin l’inspiration pour ces dernières collections et revient cette saison dans le berceau même de la civilisation : l’Egypte.
Une visite dans cet ancien pays a produit diverses formes de pyramides, de robes pharaoniques, de jupes nobles, de caftans et même de djellabas.
Mais ce qu’il y a de bien avec Rick Owens, c’est que rien n’est jamais trop littéral. Son processus de pensée est bien plus sophistiqué que cela. Les formes sont ainsi évoquées, jamais bêtement copiées. Pas de Yul Brynner en vue à ce show !
Les robes pharaoniques étaient suggérées par un tissu enroulé autour d’un pantalon de treillis jusqu’à ce qu’il traîne plusieurs centimètres sous la cheville. Ou les cols triangulaires des super blazers en nylon semi-transparent, tandis que les vêtements de cérémonie de Luxor étaient rappelés par des extensions en maille pointue sur les épaules.
Et là où les vêtements de Ramsès II et de ses épouses étaient en coton, satin et brocart, Rick Owens a fait monter les enchères en termes de matériaux, des cuirs irisés métallisés ultra-brillants aux pantalons bouffants en python jaune.
Le tout conduit au final, avec deux hauts arborant des khats en maille de nylon, coiffes portées par les nobles, l’un jaune et l’autre rose.
Rick a nommé la collection Edfou, du nom d’un temple (Edfou en français) situé sur la rive droite du Nil, entre Esna et Assouan.
« Je suis récemment parti en retraite en Égypte, et j’ai trouvé un grand réconfort dans l’isolement et l’immense histoire de ce pays. Ce genre d’éternité », déclare Rick Owens dans la note de son émission.
En parlant de petits ennuis, lors de ce défilé programmé le midi autour des fontaines du Palais de Tokyo, les spectateurs ont littéralement cuit au soleil. Faisant encore monter la température, Rick Owens a fait suspendre trois énormes boules ajourées à une grue, avant de les attraper et de les balancer pratiquement au-dessus des têtes des premiers rangs. Ensuite, ils ont été jetés dans la fontaine bouillante, ce qui n’a fait qu’aggraver la chaleur.