En poudre, sous forme de cataplasme ou combinée à d’autres ingrédients, l’aspirine serait un remède miracle à de nombreux problèmes de peau, de l’acné aux lèvres sèches. Attention : plusieurs spécialistes contactés par l’AFP déconseillent fortement cette utilisation de l’aspirine qui peut se révéler dangereuse.

« Il faut connaître cette astuce », lance la voix off de la vidéo qui a été vue plus de 4 millions de fois et partagée 26 000 fois sur Facebook depuis fin novembre 2022. Il affirme que les comprimés d’aspirine écrasés avec du citron ou du miel peuvent traiter l’acné, craquelée pieds cassés, peut servir de gommage pour les lèvres ou éclaircir les aisselles trop foncées. Selon l’auteur du message, cette « astuce » va « aider des milliers de personnes » dans le monde.

Capture d’écran de la publication Facebook, prise le 17 janvier 2023

De nombreux internautes y croient, comme en témoigne le flot de remerciements dans la colonne des commentaires.

Capture d’écran des commentaires sur Facebook, prise le 17 janvier 2023

L’aspirine est utilisée en médecine pour soulager « les douleurs et/ou la fièvre légères à modérées », selon la base de données publique des médicaments de l’Etat français, et fait l’objet de nombreuses recettes de soins cosmétiques miracles. Sur les sites dédiés à la santé, ces comprimés sont vantés pour « sauver la peau » et supprimer les imperfections du visage (1,2…).

Alors, les comprimés d’aspirine sont-ils un remède contre l’acné, les lèvres sèches, les aisselles sombres et les pieds craquelés ? Joint le 16 janvier 2023 par l’AFP, le professeur Moussa Diallo, dermatologue exerçant au CHU de Dakar au Sénégal, a répondu un « non » sec et agacé à cette question. Le docteur Emmanuel Delaporte, dermatologue-vénérologue contacté le 12 janvier par l’AFP martèle est aussi ferme que « non », s’insurgeant contre ces patients « beaucoup plus enclins à faire confiance à leurs soignants que les médecins ou les pharmaciens ».

Céline Couteau, docteur en pharmacie et enseignante en cosmétologie, déplore également cette promotion de l’automédication. Pour lui, la fascination du public pour les recettes magiques (détournement de médicaments, utilisation de recettes maison à base d’aliments) vient du fait qu' »avec les années, l’expert n’a plus d’autorité ». Avec l’idée de « communauté », a-t-il déclaré à l’AFP le 12 janvier 2023, « les gens se rassemblent en raison de la proximité et font des prescriptions particulières », sans surveillance médicale.

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Intoxication

Dans le cas de l’aspirine, le Dr. Couteau a déclaré à l’AFP que l’utilisation du médicament de cette manière risque d’empoisonner les salicylates (une famille de molécules aux propriétés anti-inflammatoires), ce qui peut causer un certain nombre de problèmes courants.

« Ça ne sert à rien de se retrouver à l’hôpital pour la seule raison de vouloir tester un masque dont les auteurs n’ont pas les connaissances nécessaires pour concevoir un produit sûr, pour traiter l’acné. Mieux vaut consulter un dermatologue pour ça », coupe-t-il. dans.

Céline Couteau et sa collègue Laurence Coiffard, également docteur en pharmacie, animent un blog où en 2017 elles avaient alerté sur ces prescriptions à base d’aspirine, « plus étranges les unes que les autres ». Ils y notaient qu’« un rapide calcul montre que cinq comprimés d’aspirine (dose de 1 g) dans un mélange de miel et de yaourt (30 g), cela représente un pourcentage d’environ 15 % d’acide acétylsalicylique », ce qui « fait beaucoup » selon les deux experts. « L’aspirine pour les maux de tête oui, pour les cosmétiques non, absolument non ! », ont-ils conclu.

Traitements contre l’acné

Dans un document de 2015, « la version actualisée des recommandations françaises en la matière », comme l’a indiqué le 16 janvier à l’AFP la dermatologue Laurence Le Cleach, après avoir participé à ces travaux, la Société française de dermatologie recommande un traitement de l’acné selon ses stades. fort.

Capture d’écran de l’algorithme de gestion de l’acné basé sur les recommandations de la Société Française de Dermatologie, prise le 17 janvier 2023 (Marin LEFEVRE)

La SFD note que « le traitement local et/ou général dépendra de la forme clinique de l’acné et de sa sévérité ». Par exemple, « face à des troubles du cycle menstruel ou à un hirsutisme ou à une acné d’apparition prématurée, un bilan endocrinologique et un traitement par un endocrinologue ou un gynécologue doivent être proposés ». Le traitement diffère également selon les caractéristiques du patient.

Ainsi, selon cette recommandation, l’acné légère serait d’abord traitée avec une combinaison de peroxyde de benzoyle (un agent oxydant) et d’un rétinoïde topique (un produit chimique qui débouche les follicules pileux) – mais ces médicaments peuvent différer si la personne traitée est enceinte, car les rétinoïdes topiques ne sont pas recommandés dans cette situation.