Minée par la pandémie, la création a repris ses droits en 2022. Défilés de mode, politique, disparus, scandales, célébrités… Tout ce qu’il faut retenir des douze derniers mois. Partie 1/2
Tout le monde en parle, des tapis rouges des festivals au ministère de l’Économie et des Finances, d’Instagram à Buckingham Palace, dans les grands musées et bien sûr, sur les scènes des défilés de mode. Devenue un phénomène socio-culturel universel, la mode est partout, aimée ou détestée, créative et spéculative, critiquée autant pour son impact environnemental que louée pour sa capacité à régénérer le territoire français à travers ses manufactures, ses métiers et son artisanat. Après une période compliquée de pandémie, cette industrie a connu un nouvel âge d’or en 2022, révélant de nouveaux talents et consolidant les grands noms du luxe dont le chiffre d’affaires a explosé ces derniers mois. Tendances, polémiques, tapis rouges, effet Netflix, mercato et coups de coeur… Sommaire. Partie 1.
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La nostalgie, camarades
Le « Y2K » (prononcez ouaï-tou-ké) pour « Years 2000 » (les années 2000) sera la grande tendance pour la période de 2022. par Paris Hilton et Britney Spears. A Paris, les robes moulantes Marcia ajourées sur les côtés grâce à un astucieux système de crochets et de boucles ont la cote. A Milan, Kim Kardashian a remixé le Dolce & Gabbana et l’héritière Hilton ont repris le travail pour le défilé Versace.
Certes, rien de nouveau sous le soleil de la mode qui n’empêche le recyclage du passé plus ou moins récent puisque Saint Laurent en 1971 a rétabli les années 40 et inventé en quelque sorte la couture vintage. Bref, comme on l’écrit souvent dans ces colonnes, c’est ni plus ni moins que le cycle de la mode. Vous voyagez la prochaine fois ? Les années 2006-12 ont vu s’épanouir le hipster et ce que les moins de 20 ans appellent « l’indie sleaze ».
Mercato de luxe
La dernière fois que l’industrie de la mode a joué aux chaises musicales, c’était dans les années 2015-2018. Puis nommé Alessandro Michele chez Gucci, Demna chez Balenciaga, Hedi Slimane chez Celine, Daniel Lee chez Bottega Veneta, Virgil Abloh chez Louis Vuitton… Cette période est marquée par l’essor du street et du sportswear, la (sur)consommation asiatique, la logomanie, genre fluide, etc. Aussi régulière qu’un métronome, la mode a logiquement esquissé le mouvement inverse en 2022. On a donc vu en réponse aux survêtements d’addiction, le retour du costume, des chaussures en cuir, un luxe plus intemporel et un renouvellement générationnel. A tel point que les départs et les arrivées au sommet des grandes marques n’ont pas manqué, surtout en cette fin d’année. Michele a donc quitté Gucci en novembre laissant les nombreux fans de ses orphelins esthétiques joyeux et décomplexés – on ne connaît toujours pas ses futurs projets ainsi que le nom de son successeur à la tête du label florentin.
A Londres, Lee est désormais chez Burberry (première collection dans les prochains mois), l’établissement anglais qui s’est séparé de Riccardo Tisci en septembre – depuis, l’Italien a commencé à habiller les célébrités sur des tapis rouges. En Italie, Ferragamo a nommé le designer de Manchester Maximilian Davis et le californien Bally Rhuigi Villaseñor. A Paris, le Britannique non binaire Harris Reed s’est associé à Nina Ricci tandis que la nouvelle star française Ludovic de Saint Sernin prend les rênes créatives de la marque anversoise culte Ann Demeulemeester et défilera en mars prochain. Après avoir célébré la mémoire de son directeur artistique de la mode masculine, Virgil Abloh, lors d’un défilé à Paris en janvier, la maison Louis Vuitton a confié les collections au studio en attendant le recrutement d’un nouveau directeur artistique – a priori en 2023. Comme pour Phoebe Philo qui a quitté Céline en 2018 et devait dévoiler un nouveau projet à la rentrée, elle n’est toujours pas réapparue…
Le vêtement, plus politique que jamais
La question était animée cet été : faut-il obliger les députés à porter des vestes et, pourquoi pas, des cravates ? Déplorant « une sorte de laxisme vestimentaire et le comportement d’un nombre de plus en plus important de députés, notamment de LFI », Éric Ciotti avait plaidé pour une obligation de porter cette pièce de soie pour les hommes. Et la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale Mathilde Panot et Alexis Corbière de répondre : « Pourquoi demander aux députés de se ‘cacher’ dans une autre classe sociale que celle dont ils sont issus et qu’ils souhaitent représenter ? Le 9 novembre, les députés se sont finalement prononcés en faveur du port de la veste dans l’hémicycle, la cravate restant « recommandée ».
En septembre, c’était au tour de la tortue d’enflammer les débats politiques, lorsqu’un pull était proposé comme solution aux problèmes de sobriété énergétique par Bruno Lemaire sur France Inter. Dans le même temps, les marques, Eric Bompard en tête, surfaient sur la vague avec le soutien de campagnes publicitaires tandis qu’Emmanuel Macron, adepte de longue date du col roulé sous la veste, en remettait une couche. « Ça protège l’hiver, a enfin expliqué le ministre de l’Économie sur sa page Facebook. Vous n’avez pas besoin d’un ministre pour le savoir. Nous avons encore moins besoin de ses recommandations vestimentaires.
Dans la rue, c’est un autre vêtement à haute valeur symbolique que les jeunes femmes se sont approprié. A savoir, le corset est apparu dans la foulée du fameux pic de récolte qui, en 2021, a mis le feu aux poudres en étant privé d’école secondaire. Ce sous-vêtement qui avait été banni par les féministes au moment de la Première Guerre mondiale est désormais porté aux yeux de tous comme un vêtement de pouvoir. En revanche, il n’y avait pas de citoyenneté pour les chaussettes à claquettes au collège Elsa-Triolet de Saint-Denis, qui les a interdites dans son règlement intérieur début septembre, au motif que ce style de société hérité du rap serait et du basket-ball dangereux. .. en cours de chimie !
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L’âge d’or des tapis rouges
Nous n’avons jamais autant commenté les tenues de tapis rouge. Il faut dire que durant cet exercice, les célébrités prennent de plus en plus de risques stylistiques (ce qui fait la joie des réseaux sociaux). Notamment deux jeunes hommes, Timothée Chalamet et Harry Styles qui, à 26 et 28 ans, ont osé lors d’avant-premières de films et autres récompenses musicales tout au long de l’année, combinaisons à paillettes en tout genre, dos nus sensuels, manteaux à plumes roses, colliers de perles. ..
Une grande publicité a également été donnée aux tenues de Rihanna qui n’a pas hésité pendant neuf mois, à (dés)habiller son ventre de future maman, bijoux et nuisettes transparentes. Enfin, controversée mais mémorable, la gaine que portait Marilyn Monroe en 1962 pour fêter son anniversaire à « Monsieur le Président » a été extraite des archives du musée par Kim Kardashian pour gravir les marches du Met Gala en mai dernier.
Marilyn Monroe, une icône intemporelle
Elisabeth II, modèle à suivre
Si la reine d’Angleterre, décédée le 8 septembre, était loin d’être une « fashion maker », son style ne laissait rien au hasard. En sept décennies de règne, la souveraine, parmi les femmes les plus photographiées au monde, s’était créé une image reconnaissable entre mille : costumes hauts en couleur, chapeau sur la tête et petit sac à main noir au creux du coude. Celle qui n’avait pas de rôle actif mais un énorme pouvoir représentatif connaissait l’importance des vêtements, tout comme sa célèbre aïeule, la reine Victoria qui a marqué l’histoire par son amour du noir et l’austérité de ses toilettes. Ces dernières années, sous l’impact du succès de la série The Crown, les photographies de l’apparition d’Elisabeth tout au long de sa vie ont également circulé sur les réseaux sociaux.
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Coup de cœur / coup de poing
La révélation de 2022 sera le Français Matthieu Blazy qui a présenté ses deux premiers défilés pour Bottega Veneta à Milan, en février et septembre. Ses vêtements, conçus pour la vie ordinaire mais faits de matières et de savoir-faire extraordinaires, sont exempts de tout logo et ne sont jamais ostentatoires. Ses jeans en cuir et ses cabans à dos incurvé sont déjà des objets de collection.
Il se trouve que son partenaire, le Belge Pieter Mulier, a fait une autre sensation de l’année avec ses collections toujours plus puissantes et pertinentes pour Alaïa. Egalement à marquer d’une pierre blanche, le défilé Balenciaga du 6 mars 2022, deux semaines après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, où les mannequins ont mis au point dans une tempête de neige, des sacs poubelles portant leurs affaires à la main. La directrice artistique Demna elle-même a fui sa Géorgie natale et a connu les conditions de vie des réfugiés.
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