Les tests utilisés par les forces de l’ordre peuvent trouver un conducteur positif pour la marijuana et entraîner la suspension du permis, même si l’utilisateur respecte le cadre juridique.

Et si, du jour au lendemain, vous vous retrouviez avec votre permis de conduire révoqué, même si vous n’avez pas enfreint la loi ? Cette injustice n’a rien d’irréaliste : ces derniers mois, des conducteurs se sont retrouvés devant les tribunaux pour contester la suspension de leur permis de conduire pour des infractions liées à la drogue. Lors du dépistage effectué par la police, ils ont été considérés comme positifs au cannabis tout en admettant ne consommer que du CBD (cannabidiol).

Contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), cette molécule présente dans la marijuana n’a pas d’effets psychotropes. A ce titre, le Conseil d’Etat a confirmé, le 29 décembre, que les fleurs de cannabis chargées de CBD peuvent être commercialisées et consommées légalement. Bénéfice pour les clients des 2 000 magasins spécialisés en France, qui consomment souvent du cannabidiol sous forme de composé fumé pour pallier les effets néfastes du THC. La situation et la décision du Conseil d’Etat peuvent inciter les autorités à revoir la procédure des contrôles routiers. Explication.

Des traces de THC qui faussent les tests

Depuis 2016, les forces de l’ordre ont été renforcées pour soumettre tout conducteur à un test de dépistage de drogue en bordure de route, qu’il ait ou non commis une infraction antérieure. « Il s’agit d’un appareil qui prélève un peu de salive de la bouche du conducteur. Ce prélèvement part ensuite dans un petit appareil, qui recherche la présence des quatre grandes familles de stupéfiants : cocaïne, opiacés, amphétamines et marijuana », explique le docteur Jean. -Michel Gaulier, toxicologue au CHU de Lille et président de la Compagnie Nationale des Biologistes et Analystes Experts, qui regroupe les juristes experts en analyses toxicologiques.

Pour la marijuana, l’appareil recherche la présence de THC dans la salive. Cependant, à l’instar de l’autotest pour le Covid-19, ce dépistage peut montrer des résultats faussement positifs, tels que définis par le service-info-médicaments. C’est pourquoi, dans le cas du premier résultat positif, un deuxième échantillon de salive est prélevé et l’échantillon est envoyé au laboratoire afin qu’un examen plus approfondi puisse lever l’incertitude.

Malheureusement, cet examen sophistiqué signifie rarement l’arrêt des poursuites pour les consommateurs légitimes de CBD. Cette procédure permet uniquement d’établir officiellement la présence de THC dans la salive. Cependant, les fleurs de CBD ont généralement un taux résiduel de THC qui reste détectable par les filtres effectués en France, bien que ce taux ne dépasse pas la limite légale de 0,3 %. Et le texte renforcé n’impose pas de laboratoire pour mesurer la présence de CBD dans l’organisme, ce qui pourrait permettre aux consommateurs de marijuana légale de défendre la bonne foi devant les tribunaux.

« A partir du moment où l’on peut identifier officiellement la présence de THC dans l’échantillon, l’infraction est constituée, quelle que soit la concentration. »

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Docteur Jean-Michel Gaulier, Président de la Société Nationale des Biologistes et Analystes

Spécialisé en droit de la circulation, l’avocat Antoine Régley avoue recevoir chaque semaine des « dizaines » de demandes de conducteurs testés positifs au cannabis, et qui affirment n’avoir consommé que du CBD. S’il n’est pas là « pour savoir si c’est vrai ou faux », l’avocat dresse une liste de conseils pour ses clients qui peuvent les aider à défendre leur cause devant les tribunaux. « Je les invite à produire des factures prouvant qu’ils ont acheté du CBD, voire à ne pas renoncer à leur droit de procéder à une contre-expertise. Ils peuvent aussi ensuite faire une analyse d’urine au laboratoire de la ville peu après leur contrôle par la police. ne pas détecter de THC dans leur corps 48 heures après avoir été fait par la police, cela peut être accrédité au poste auprès du juge », a ajouté Antoine Régley.

Vers l’utilisation de tests plus avancés ?

Afin d’aider les forces de l’ordre à distinguer les conducteurs de bonne foi de ceux qui tentent de masquer leur consommation illégale de marijuana et de CBD, les techniques de dépistage pourraient évoluer dans les mois à venir. « Avec la méthode de prélèvement actuelle, on ne peut pas connaître la quantité de salive présente dans l’écouvillon qui nous est envoyé par la police, commente Jean-Michel Gaulier. On peut tout à fait évaluer la concentration de THC ou de CBD, mais, sans connaître le volume mesuré, cette concentration ne sera pas là n’est rien. »

Pour remédier à ce problème, la France peut s’inspirer des inspections réalisées en Belgique ou en Allemagne. Chez ce voisin européen, la police apporte du matériel pour collecter la quantité exacte de salive et la stocker afin qu’un laboratoire formel puisse déterminer la concentration de THC et de CBD présente dans le corps. « Le problème, c’est que ces appareils coûtent entre 3 et 5 euros l’unité, alors que ceux actuellement utilisés coûtent environ 4 centimes », détaille ce spécialiste.

Quand ce changement de politique entrera-t-il en vigueur ? Contacté par franceinfo, le service du ministère de l’Intérieur chargé de la sécurité routière n’a pas répondu. Pourtant, en tant que président de la Société nationale des biologistes et analystes experts, Jean-Michel Gaulier a eu l’occasion d’évoquer le dossier avec les autorités ces derniers mois. Celui-ci « est en train de mettre en place la procédure de changement du dispositif de collecte de salive utilisé par la police », assure-t-il.

En attendant, Jean-Michel Gaulier comme l’avocat Antoine Régley recommandent la prudence aux consommateurs de CBD. Ils devraient « éviter de conduire pendant des heures » après avoir utilisé la substance, lorsque les résidus de THC sont éliminés de leur salive.